Ce qui me semble possible

La croissance, thème majeur des économistes, n’est pas, comme on semble le croire, une aubaine venue d’ on ne sait où, pas plus que le fruit d’acrobaties monétaires, du déficit budgétaire et du mépris des contraintes économiques, d’abus du crédit, pas plus que de projets gigantesques.
Les moteurs de la croissance ne sont pas ce qu’on enseigne. Ni la consommation, ni l’investissement, ni la demande extérieure ne sont ,à eux seuls, moteurs de croissance.
Ces moteurs ce sont les contrats équilibrés d’échanges. Ils permettent à chacun des partenaires d’augmenter à la fois sa production et sa consommation, son niveau de vie.
Les subventions ne sont pas, comme on le prétend, une aide mais un obstacle à la croissance et à l’emploi. Elles déprécient et surchargent les activités non subventionnées. Forcement limitées, compliquées, restrictives, capricieuses, propices aux copinages, elles dissuadent d'entreprendre ceux qui n'en bénéficient pas, donc stérilisent beaucoup de projets sains.
Plutôt que les jeux macro-économiques avec la monnaie, le moyen de stimuler la croissance c'est, le plus souvent sur le plan local, la mise en valeur des idées, des projets, des atouts locaux: main d’oeuvre, équipements, savoir faire, épargnes, possibilités de formation, recherches, relations etc.
- Cette mise en valeur passe par une politique d'animation qui pose les vrais problèmes, incite à chercher ensemble des solutions, à mûrir des projets et à les mener à bien.Elle remet à leur place ceux de nos intérêts à court terme qui nous opposent et met en valeur nos intérêts à plus long terme qui sont largement convergents: les qualités du gâteau qu’on prépare, l’ambiance et l’harmonie.
- Une meilleure connaissance du fonctionnement des circuits économiques, du mécanisme des créations et des pertes d’emplois, serait féconde. Elle mettrait en valeur les complémentarités nécessaires, les conditions du progrès, les causes profondes des déclins, souvent situées assez loin de ce qu'on voit. Elle pourrait aider à progresser.
C'est particulièrement vrai quand, après des licenciements ou quand ils menacent, une reconversion s'impose.
Là où l'économie est trop loin du plein emploi, des recherches seraient nécessaires pour découvrir quelles activités pourraient employer sainement une main d'oeuvre nombreuse et peu formée, activités peu délocalisables. Elle pourrait trouver ou susciter la demande correspondante. Recherches difficiles mais nécessaires. Qui les fait?
De même, il faudrait mieux étudier les étapes du développement dans lesquelles, à chaque niveau, apparaissent des possibilités de métiers nouveaux d’entreprises nouvelles, la possibilité de former et soutenir des personnalités capables d’entreprendre durablement.
Pour les cas les plus difficiles, les reconversions notamment, des professionnels de l'animation sont nécessaires, mais il faut surtout donner aux politiques, administratifs et bénévoles concernés une formationt courte, complétée par des informations régulières, des échanges, des visites. Ce pourrait ëtre une fonction du Plan.
Dans des cas difficiles, celui de certaines banlieues par exemple, le mécanisme des échanges payés par une monnaie interne, les "systèmes d'échanges locaux", (S.E.L), pourrait être expérimenté, servir d'amorce à une renaissance de l'activité.
Le problème du développement du Tiers monde n'est pas fondamentalement différent de celui des moins bien pourvus des pays mieux équipés. Ce n'est pas par les projets spectaculaires ou en misant sur le dumping social qu'on parviendra à un large développement mais en aidant les gens du pays, par une politique d'animation, à travailler d'abord de mieux en mieux les uns pour les autres

Il n’y a pas d’opposition entre l’économique et le social. On vit et on progresse mieux,, à tous les niveaux, dans une société harmonieuse et équilibrée que dans celle qui impose à des multitudes des conditions inacceptables, sources de tensions et de conflits. Il faut tendre vers l’harmonie même s’il est difficile de la réaliser.
Le but de la politique sociale n'est pas l'élimination ou la taxation excessive des riches, des spéculateurs. Ils jouent dans le progrès commun un rôle essentiel: financer l’équipement qui crée l’emploi, prêter à ceux qui veulent entreprendre, donner, prendre les risques nécessaires, essayer les progrès incertains. L’argent a la valeur de ce qu’on en fait. L’animation met en valeur les usages constructifs de l’argent.
Le but n'est pas non plus l'égalité, incompatible durablement avec la liberté. Ce n’est pas i le respect de toutes sortes de droits. C'est une répartition aussi saine que possible des fruits du progrès.
Faut-il donner priorité absolue à l’élimination des misères les plus criantes, celles qui serrent le cœur et dont parlent les journaux ?
Il faut se garder d’aider les pauvres a détriment d’autres pauvres.
Ne pas nopn plus surcharger d’impôts et de règlements bien intentionnés ceux ceux qui essaient dservir des clients peu fortunés. S’ils y renoncent, ceux ci, faute de concurrence, devront payer plus cher ce dont ils ont besoin.
Nous avons retenu comme but de la politique sociale,, l’amélioration progressive du revenu moyen du tiers le moins favorisé de la population.
Pour y contribuer,Il serait utile de négocier, entre partenaires sociaux, un manuel des négociateurs. Ili écarterait les faux problèmes, sources de conflits sans issue. Il situerait les thèmes et les conditions d'un dialogue social efficace sur les vrais problèmes: améliorer le revenu des travailleurs après avoir assuré ce qui en conditionne le maintien, c'est à dire la solidité des entreprises: capital et équipement, risques encourus donc nécessité d'une réserve, compétences coûteuses à acquérir, à conserver, recherche pour rester dans la course.
Pas d’ »emplois sans accord avec les employeurs. Pas d’ »emplois vefficaces sans accord avec les employés.
.- Une négociation est nécessaire sur la manière dont chacun aura sa part des gains, mais auusi pour préciser qui financera les pertes.
Elle doit se situer non pas après ou pendant l'exercice, mais avant, au moment où les gains espérés ont pour contrepartie les pertes à redouter, les risques à assumer, au moment où chacun peut encore, si ce qu’on lui propose le rebute, chercher un autre emploi de son talent et de son argent. C’est avant la partie qu’on se met d’accord sur la règle er sur les enjeux.
Cette répartition sera arrêtée par l'autorité responsable mais elle doit être précédée par un vrai dialogue.
Selon les résultats obtenus pendant l’exercice, il faudra que tout le monde gagne, manque à gagner ou perde à la mesure de son apport, des risques encourus, des accords librement négociés.
L’horreur de la précarité a soulevé des foules. Or, tout contrat est précaire. Il exige l’accord du partenaire. Le droit d’obtenir ce qu’on veut sans se mettre d’accord avec celui à qui on le demande n’existe pas.
L’employé qui n’ est pas ou plus d’accord avec son patron peut le quitter. Le patron qui ne parvient pas ou plus à s’entendre avec celui qu‘il emploie doit pouvoir cesser de l’employer sans surcharges excessives.
En cas de conflit, un parrain pourrait être chargé d’aider à la recherche d’un accord. En cas d échec, celui-ci essayerait de faire profiter un autre de l’emploi libéré tandis que le licencié se verrait offrir une aide et, au besoin, une formation pour trouver un autre emploi.
Au patron qui licencierait trop, offrir un diagnostic social, mais l’emploi obligatoire n’est pas une bonne solution
La grande pauvreté qui enchevêtre d’ordinaire plusieurs causes de malheur, ne relève pas, sauf exception, de mesures générales. Celles ci risquent alors de faire plus de mal que de bien, d’avoir des effets pervers. Il faut alors traiter au cas par cas.
Autant que possible, aider ceux qui s'efforcent d'en sortir avant ceux dont l'objectif semble de prouver qu'ils ne peuvent rien faire.
Appuyer, faciliter les efforts de ceux qui prennent le temps et ont le talent d’ aider les plus pauvres, de plaider pour eux, d’élaborer avec eux des solutions.
Ne pas aider ceux qui agitent, se posent en victimes si c’est au détriment de ceux qui travaillent.
Eviter de protéger ceux qui sont en place, ceux qui ont un emploi, un logement modestes au détriment de ceux qui en voudraient bien un, même modeste.
Eviter donc de dissuader ceux qui pourraient le leur procurer, les employeurs et ceux qui aimeraient préparer leur retraite en louant des logements.
Les contrats obligatoirement désavantageux pour l‘une des parties sont demandés par l’autre mais pas offerts.
Le logement social pourrait, devrait redevenir un placement de père de famille, peu rentable mais sûr, ce qui dégagerait le financement nécessaire. L’animation y aiderait.
Si tant de gens dorment dans la rue ou ne parviennent pas à se loger, c’est très largement parce que, pour aider les pauvres locataires, on a bloqué les loyers, rendu impossibles les placements sains en logements.𨠥
On a voulu charger l’Etat de loger les plus démunis, de les loger décemment. Bravo, mais cela coûte cher. Les HLM donnent donc priorité aux locataires solvables des fonctionnaires par exemple,
Résultat : les files d’attente s’allongent et les exclus des HLM, ce sont les SDF dont le nombre ne diminue pas longtemps quand le nombre des logements soc iaux progresse.
Existe-t-il une recherche intense des moyens et débouchés qui permettraient d’intégrer sainement dans la vie économique les chômeurs et les capacités mal employées ? Forme-t-on assez d’entrepreneurs capables de les employer utilement ?
Ne pourrait-on étudier des contrats simples, sains, faciles à gérer, qui offriraient à ceux qui ne trouvent pas de travail en ville ou à ceux qui voudraient immigrer la charge d’animer les villages qui se dépeuplent? Beaucoup de jeunes et d'immigrés sont gens de valeur, courageux, pleins d’initiative.

L'économie n'est pas isolée. Tout un ensemble d'éléments réagissent sur elle.
Et d'abord, la façon dont elle est enseignée.
Toutes les théories sont basées sur l'affrontement; concurrence dure, lutte des classes, prise de pouvoir pour contraindre, taxer, redistribuer, ou jouer avec l'outil de mesure, la monnaie. Or, répétons le, sur un chantier où l'on se dispute, on n'avance pas. Nous gaspillons une grande part de notre énergie, de nos ressources à détruire ce que les autres produisent et réciproquement. Comm les jeux, la e concurrence est saine quand on se mesure aux autres selon des règles acceptées, respectées. sous l’arbitrage de clients qui veulent de vrais services.
La concurrence brutale ? Non. La concurrence loyale ? Oui.
Un débat de fond s'impose.
La démocratie ne pourrait-elle pas être améliorée,par exemple en offrant aux électeurs des informations objectives sur la carrière, les réalisations et le programme des candidats?
- La justice civile ne pourrait elle pas, pour assurer la sécurité juridique nécessaire aux entreprises, être moins scrupuleuse sur les formes et possibilités d'appel, afin de devenir plus rapide et moins coûteuse?
Est-il permis de penser que l'absence de morale et les dérives de certaines formes d’ « art » peuvent compter parmi les causes de beaucoup de misères? Est ce en prison qu'il faut apprendre à vivre en société?
Ceux qui démolissent, ridiculisent, violent et incitent à violer les lois, écrites ou non, qui permettent de vivre en harmonie se croient et semblent malins, libérés, d’avant-garde. En fin de compte, ceux qui les ont suivis se retrouvent bien souvent désorientés, désespérés, seuls, miséreux, malheureux. Alors… ?
Mériter, cultiver la confiance, c'est pouvoir être efficace et libre.
L’information pourrait largement conribuer au progrès tant économique que social. Elle devrait donner moins de place aux luttes de pouvoir et aux caprices des marchés, et davantage à l’évolution des techniques et des débouchés, des actions constructives et des expériences de développement qui peuvent en inspirer d’autres.
L’information sociale devrait donnner moins de place aux agitations, grèves, nuisances, rapports de force, violences, et davantage au contenu des accords constructifs et au résultat des négociations

En toutes sortes de domaines, des idées fausses devraient être déracinèes et de plus saines, cherchées ou retrouvées. En reconnaître la valeur, les expérimenter, utiliser.
Mais qui est prêt à les accueillir, à les conjuguer avc ce qu’il sait, à les soutenir, à les diffuser, à les enseigner ?

Tout cela, c est vite dit, trop vite, sans les nuances et approfondissements nécessaires.
Il faut voir ce qui pose question et ce que valent ces esquisses de réponses. Votre pensée et votre expérience, j’en suis sûr, accompagneront enrichiront cet essai. D’avance, merci

Une economie de paix

Laudace, l’immense ambition de cet ouvrage, cest de proposer un ensemble dapproches et un large débat, une recherche franchissant les frontières afin de promouvoir une vie économique et sociale beaucoup moins conflictuelle, plus constructive, plus conviviale et répartissant mieux les fruits du progrès, une économie de la paix.

« Vaste programme ! » eût dit un certain général.

Une vie économique et sociale vraiment moins conflictuelle, plus constructive, plus conviviale et répartissant mieux les fruits du progrès, une économie de la paix, n’est ce pas une utopie ?

Ils sont nombreux ceux qui ne le croient pas, qui pensent que ce nest quun rêve, une utopie qui naboutirait qu’à faire plus de mal que de bien.

Ce nest pas de gaîté de cœur que, de génération en génération, ceux qui nous ont préparé et construit une société contestée mais enviée ont pensé que l’affrontement était linévitable condition du progrès.

Certes, ils étaient souvent opposés les uns aux autres. Ils concevaient la lutte qui leur semblait nécessaire, inévitable, sous des formes contrastées, contre des ennemis opposés les uns aux autres mais la concurrence dure, la lutte des classes, la recherche du pouvoir pour contraindre, taxer, redistribuer ou, plus subtilement, pour manipuler l’outil de mesure, la monnaie, c’était toujours lutter, obéir à une loi de la vie.

Ils luttaient les uns contre les autres ; mais cette lutte leur semblait à tous essentielle, même si, de discorde en conflits, en violences, en rancœurs, en haines, elles préparaient des guerres.

Il en allait de même pour ceux qui tenaient la guerre, celle quon fait ou celle quon prépare, comme une condition incontournable de la survie des peuples. A ces luttes, il fallait être prêt à tout sacrifier, même sa vie et celle des autres. Les héros étaient ceux qui tuaient le plus de gens. Impossible de faire autrement. Et de siècle en siècle, avec des armes de plus en plus ravageuses, cette évidence s’imposait. Le seul moyen d’avoir des intervalles paisibles était d’être le dominateur ou d’accepter la domination. Lhistoire le prouvait.

Oui, mais justement, lhistoire récente, la notre, a prouvé le contraire.

Alors que la plupart des penseurs et des gens dexpérience le croyaient impossible, quelques visionnaires : Monnet Schuman, Adenauer, Gaspréri, Spaak,… ont su concevoir, faire accepter, réaliser une union des peuples dEurope les plus opposés, une union qui a consolidé la paix et attiré des pays de plus en plus nombreux.

Ne peut-il en aller de même en économie ? Des idées fausses ou à revoir ne sont-elles pas parmi les causes du désarroi de tant de jeunes qui n’arrivent pas à trouver l’emploi de leur compétence, a se loger, parmi celles des endettements monstrueux qui sont une menace qu’on ne sait pas maîtriser ?

Dans la chaleureuse préface qui ouvre les trois volumes de mon « Histoire de l’unité européenne » Jean Monnet me compte parmi ceux qui ont préparé les esprits à consentir aux concessions sans lesquelles lEurope naurait pas pu naître.

Nest-il pas temps de chercher, de trouver les moyens de construire une économie paisible, où de saines concurrences, des débats constructifs, ne conduiraient plus à des affrontements dévastateurs ?

Définir une telle économie est une tâche qui dépasse mes forces.

En revanche, peut être ai je assez dexpérience pour lancer, pour amorcer un débat qui pourrait être fécond.

Peu de gens ont eu la chance de pouvoir observer au jour le jour, raconter et commenter cinquante années dune vie économique dune intensité exceptionnelle et notamment les trente premières années de la construction européenne, sous le contrôle dune multitude de lecteurs dont certains étaient très compétents, de travailler avec Raymond Aron qui ma proposé décrire mon premier livre « La percée de léconomie française » et l’a honoré dune importante postface, de Jean Monnet, le père de l’Europe ; du maître doeuvre du remarquable redressement monétaire de 1958, Jacques Rueff, de bien d’autres.. Mes livres ont été et restent très utilisés au niveau universitaire. Ils ont été parfois lecture obligatoire, en France et ailleurs .

Le débat, la recherche que ce livre voudrait ouvrir, ni mes 89 ans, ni mes yeux qui ne lisent plus ne me permettront de les organiser, de les mener, de faire la synthèse des apports, de conclure, de donner suite. De tout cœur, merci à ceux qui le feront.

Quand on recherche, quand on entrevoit des solutions utiles, il est fréquent d’affirmer d’abord ce que l’on croit. Après, pour approfondir, nuancer, dialoguer, interroger d’autres apports, vient le moment de questionner.

Permettez moi, dans ce prologue, de vous dire ce que je pense, ce que je crois savoir. Après, et ce sera l’essentiel de ce livre, ces thèmes seront repris de façon plus interrogative pour ouvrir un débat.

Mes approches, plus ou moins détaillées, pourront amorcer, nourrir la discussion, aider à poser les problèmes.

Avant de vous laisser apercevoir ce que je crois, faut-il rappeler quelques évidences ? On a parfois l’impression que certains les ont oubliés. Nous ne gagnons pas notre vie contre les autres mais avec les autres, par l’échange où tout le monde gagne. Nos intérêts à courte vue peuvent nous opposer, mais à plus long terme, nos vrais intérêts convergent presque toujours. Notre monde n’est pas la jungle mais un chantier. Quand on s’y dispute, quand on empêche les autres de travailler pour leur prendre leur emploi, on n’avance pas. on gaspille les énergies. Continuez vous mêmes…Est-t-il plus efficace de gratter les plaies des autres, de s’étriper mutuellement que de chercher à s’entraider ?